Vous pouvez essayer de casser un spaghetti sec en 2 : il se brisera le plus souvent en plusieurs morceaux.
Cette bizarrerie intriguait les scientifiques depuis longtemps.
Deux physiciens ont finalement élucidé ce mystère !
[Rupture de spaghetti, pliés au-delà de leur limite de courbure par Agathe © VP]
Limite de courbure
Un spaghetti cru peut être plié, un peu.
Mais au-delà d'un un certain point, si on continue à le tordre, il casse, fatalement. Cette limite s'appelle limite de courbure.
Plusieurs chercheurs (parmi lesquels le prix Nobel Richard Feynman) ont essayé de trouver une explication à la brisure multiple des spaghettis, qui sont - pour les physiciens - des "tiges élastiques minces".
Ce sont Basile Audoly et Sébastien Neukirch du Laboratoire de Modélisation en Mécanique de l'Université Paris VI qui ont trouvé l'explication.
L'expérience
Pour comprendre ce qui se passe quand on plie un spaghetti en dépassant la limite de courbure, le mieux est de filmer à très grande vitesse (1000 images / seconde) les mouvements d'un spaghetti que l'on plie en restant un peu en dessous de cette limite et qu'on relâche brusquement.
Avec ces images, les chercheurs ont ensuite décrit mathématiquement le mouvement (grâce à des équations appelées équations de Kirchhoff) pour décrire la réaction du spaghetti.
Puis ils ont ensuite comparé ce que prévoyaient leurs calculs aux images.
Les résultats
Il se produit bien, d'abord, une cassure unique : le spaghetti casse en 2 morceaux.
Mais, il y a une suite à l'histoire : après cette première cassure, des ondes élastiques parcourent le spaghetti dans sa longueur.
Ces ondes de flexion se déplacent comme des « vagues » le long des deux bouts de spaghetti et elles augmentent sa courbure sur leur passage. Ici et là, elles forcent donc le spaghetti à dépasser sa limite de courbure : cela déclenche une "avalanche" de nouvelles ruptures.
- qu'ils cassent juste après le lacher
- que les bouts continuent ensuite à se tordre à cause des ondes de flexion.
© Laboratoire de modélisation en mécanique / Laboratoire de physique et mécanique des milieux hétérogènes / CNRS
a. On courbe un spaghetti en arc de cercle en restant juste en dessous de sa limite de courbure.
Puis on relâche brusquement une extrémité (en haut sur les images).
b,c et d : Sur les images filmées à haute vitesse, on voit que
- la forme du spaghetti est parfaitement la même que la description mathématique (les points blancs) faite en utilisant les lois de Kirchhof
- le spaghetti casse là où la courbe est la plus forte.
A quoi ça sert, d'étudier des spaghettis ??
Tout d'abord, ça pourrait enrichir les fables de La Fontaine.
Il ventait la souplesse du Roseau qui plie mais ne rompt pas quand la force de la tempête finit par briser le solide Chêne (lire la fable).
La physique des spaghetti lui aurait permis d'écrire "Le Chêne, le Roseau et le Spaghetti"....
Mais c'est aussi - et surtout - très important pour de nombreux ingénieurs : cette nouvelle description est aussi vraie pour d'autres matériaux.
Avoir compris comment casse un spaghetti permettra d'améliorer la sûreté des bâtiments et des ponts qui ont des éléments en fibre de verre ou des poutres métalliques.
Une maison faite avec 900 kg de spaghetti (cuits et crus)
réalisation de Peter De Cupere
pour l'exposition "Alles in wonderland"
durant le festival Storm op komst
à Turnhout (Belgique).